Magura MT5 : le freinage qui change tout
Je n’ai pas l’habitude de parler de « freins d’entrée de gamme » quand, au premier dévers humide, un seul doigt suffit à plier la vitesse comme un brin d’herbe. Pourtant, c’est exactement ce que m’ont fait les MT5 : ils freinent très fort — vraiment très fort — et le font sans exploser le budget. Je les ai montés, rodés, martyrisés sur mes sentiers gras, emmenés en montagne et en bike‑park. À chaque fois, le même constat : sous l’étiquette « accessible », il y a un frein sérieux, capable, qui demande juste qu’on le prenne au sérieux en retour.
Construction, confiance et premières impressions
La première chose qui saute aux yeux, c’est l’étrier. Massif. Forgé d’un seul bloc, il respire la rigidité. À la main, ça ne sonne pas creux : on a devant soi un vrai morceau d’aluminium, de ceux qui n’aiment ni les torsions ni les compromis. C’est cette rigidité qui donne le ton sur le terrain : quand je serre l’index, la réponse est pleine, la pression arrive sur le disque de façon uniforme et le vélo s’assoit sans drame.
À l’autre bout, le maître‑cylindre en Carbotecture me laisse plus partagé. Il est léger, pratique, mais il n’inspire pas la même confiance visuelle qu’un levier en métal quand il s’agit d’imaginer une chute.
Je n’ai rien cassé, mais je respecte religieusement les couples de serrage et j’oriente mes leviers pour qu’ils puissent tourner en cas de gamelle. Côté ergonomie, j’ai très vite remplacé le levier d’origine par un levier un doigt : point de pression plus ferme, meilleure prise, et une ergonomie qui me permet de tout faire à un doigt sans crisper l’avant‑bras. Rien que ce changement transforme le dialogue avec le frein.
Sur les premiers mètres, le toucher peut surprendre. Venant de Shimano SLX/XT 4 pistons, célèbres pour leur attaque franche et immédiate, les MT5 paraissent un poil moins « mordants » au tout début de course. La zone utile est plus large, la montée en puissance moins abrupte. Après un rodage sérieux et quelques ajustements, cette rondeur devient une qualité : je tiens plus facilement une vitesse au millimètre sur des racines luisantes, et quand je veux planter, la réserve est là.
Rodage, réglages et mise au point
Les MT5 ne pardonnent pas l’à‑peu‑près dans leur mise en route. J’ai pris le temps de faire de vraies séries de freinages progressifs pour chauffer, des freinages appuyés sans blocage, puis du roulage à vide pour refroidir. Une fois la couche uniforme déposée sur les disques, la puissance « monte » et le levier se stabilise. La garde se règle avec une vis Torx. Côté purge, ce n’est pas la plus simple du marché : on est loin du « one‑way » le plus basique. Il faut être méticuleux, patient, garder le levier parfaitement à l’horizontale, chasser les bulles sans précipitation. Bien faite, elle tient dans le temps.
Plaquettes et personnalisation
J’ai aussi joué les alchimistes côté plaquettes. D’origine, les MT5 utilisent une grande plaquette aimantée par côté. Ça fonctionne, mais je préfère le toucher et la polyvalence des plaquettes séparées (quatre plaquettes fines comme sur les MT7), fixées par une petite vis pour plus de soutien. Le passage à des plaquettes séparées m’a donné une attaque plus nette, une sensation de contact plus précise et une gestion thermique un poil plus sereine dans les longues descentes. C’est une petite modification, mais elle change le caractère : un freinage plus franc, plus « dur » sous le doigt, sans perdre la progressivité que j’aime sous la pluie.
Disques et constance
Enfin, les disques. Je conseille vivement de rester chez Magura, avec des rotors plus épais et plus rigides. Les Storm HC/MDR apportent exactement ce dont les MT5 ont besoin : une piste qui ne se tord pas au premier coup de chaud, un appui qui reste constant run après run. Sous mon crachin breton, cette rigidité du rotor se traduit par un freinage qui reste silencieux une fois chaud, au lieu de partir en concert aléatoire.
Sur le vélo: puissance et contrôle.
Il y a des freins qui rassurent par leur douceur, d’autres par leur brutalité. Les MT5 rassurent parce que, quand il faut ranger la vitesse dans la poche, ils obéissent. Sur une entrée de relevé, un seul doigt me suffit pour poser le bike. La décélération est franche sans être binaire : le premier tiers de course stabilise le vélo, le deuxième mord fort, et la fin de course reste une réserve d’urgence.
Sur racines humides et dévers vicieux, je sens bien la différence avec les Shimano XT 4 pistons : l’attaque est un peu moins tranchante, mais je trouve plus facilement la limite sans la dépasser. En pratique, ce « toucher spécial » du début est devenu mon allié pour tenir une vitesse stable sur terrain glissant. J’entends ce petit « chhh » qui me dit que la gomme colle, je garde la roue avant vivante, et je corrige au millimètre sans verrouiller.
En montagne, sur des lacets qui s’enchaînent et des traversées qui chauffent les disques, j’ai noté surtout ce que je n’ai pas senti : pas d’allongement de garde, pas de point de contact qui s’éloigne, pas de fading flagrant. Je freine, je relâche, je freine de nouveau ; le levier reste au même endroit, la sensation ne se dilue pas. À la fin de la journée, les mains sont tièdes mais pas tétanisées, et la constance du levier me permet de repousser un peu le point de freinage sans craindre la surprise.
En bike‑park, même constat. Trois gros freinages pour rentrer dans une section, un appui chargé, un sprint, et on recommence. Je n’ai pas fini un run à la poignée molle. Le gros étrier monobloc fait son travail : il ne fléchit pas, il ne chante pas, il pince. C’est d’ailleurs cette rigidité qui, à mon avis, rend le frein paradoxalement plus dosable
Ergonomie, customisation et vie au quotidien
Le levier un doigt par rapport aux leviers deux doigts d’origine a été la meilleure décision de ce montage. Le point de pression devient plus ferme, je sais exactement où j’en suis, et mon index n’a pas besoin de pomper à outrance pour contrôler la vitesse. Avec la garde rapprochée, je freine vraiment à un seul doigt, je garde les autres en prise sur le grip. L’autre intérêt des MT5, c’est qu’ils se personnalisent facilement: œillets colorés, on peut accorder la touche visuelle au vélo sans jouer au tuning de mauvais goût. C’est un détail, mais j’aime que mon poste de pilotage me ressemble.
Côté entretien, je ne me raconte pas d’histoires: la purge demande plus d’attention que chez certains concurrents, et le maître‑cylindre en Carbotecture mérite qu’on respecte les couples. Je nettoie soigneusement autour, je dégraisse les rotors avec un produit dédié, j’évite toute contamination des plaquettes. Et je garde un œil sur l’alignement: avec l’espace plaquette/rotor serré, un disque qui a pris une touche se repère vite à l’oreille. Rien de dramatique, mais ce sont des freins qui aiment la précision au montage autant qu’au pilotage.
Rapport qualité/prix et positionnement face à la concurrence
C’est sans doute le point qui m’a le plus bluffé : pour leur tarif, ces freins jouent clairement dans la cour des grands en puissance pure, et ils ne se démontent pas face à la concurrence. Des Shimano SLX/XT sont plus « plug and play » et plus francs à l’attaque en sortie de boîte, mais je n’ai pas eu cette sensation de puissance « large », ni cette tenue sur long run une fois les MT5 réglés à mon goût avec plaquettes séparées et rotors Magura. Les SRAM Code R/RSC offrent une modulation royale et des réglages plus complets au levier ; ils pèsent et coûtent plus, et je n’ai pas ressenti de déficit de contrôle avec les MT5 une fois l’ergonomie calée. Les MT7, grands frères plus onéreux, vont plus loin en précision ; si votre budget le permet, la montée en gamme est cohérente. Mais, à prix contenu, difficile d’ignorer ce que délivrent les MT5 une fois correctement apprêtés.
Tableau récapitulatif des qualités et des défauts
| Aspect | Ce que j’ai constaté |
|---|---|
| Puissance | Très élevée, exploitable à un doigt, même en fin de run |
| Modulation | Moins tranchante qu’un Shimano en tout début de course, plus large et très exploitable une fois rodés |
| Constance thermique | Aucune variation de garde ressentie en montagne avec rotors épais, pas de fading notable |
| Étrier | Forgé monobloc, massif et rigide, impression de solidité et de sérénité |
| Maître‑cylindre | Carbotecture léger, efficace, mais inspire moins confiance en cas de chute violente; couples de serrage à respecter imperativement |
| Levier | Passage à un levier 1 doigt : point de pression plus dur, ergonomie nettement améliorée |
| Plaquettes | Gain net en attaque et précision avec plaquettes séparées type MT7 |
| Disques | Intérêt réel des rotors Magura plus épais: rigidité, silence, constance |
| Entretien | Purge plus exigeante que certains concurrents; montage/alignement à soigner |
| Valeur | Rapport qualité/prix franchement exceptionnel au regard des performances |
DH, gros dénivelé et alternatives
Je roule en trail, all‑mountain, enduro, et sur ces terrains, je recommande les MT5 sans trembler. Pour de la DH pure, où la vitesse, l’inertie et la répétition des freinages atteignent un autre niveau, je mettrais une réserve : je basculerais plutôt vers des MT7, des Gustav Pro, ou ce fameux montage « frankenfrein » dont parlent beaucoup de riders allemands, avec des leviers Shimano couplés à des étriers Magura. L’idée n’est pas folle : on gagne un point d’attaque plus franc et une puissance globale perçue encore plus élevée, d’après les retours que j’ai. Ce n’est pas indispensable pour ma pratique, mais si vous chassez le chrono en bike‑park ou en spéciales très rapides, la piste est cohérente.
Verdict
Je ne vais pas surjouer l’objectivité : j’aime ces freins. J’aime la façon dont l’étrier monobloc tient la ligne, la manière dont la puissance arrive, la constance que j’ai eue en montagne sans variation de garde, et le fait que, pour leur prix, ils me donnent un freinage de « grand ». J’accepte leur exigence au montage, leur purge qui réclame un peu de méthode, et le fait que le maître‑cylindre ne soit pas l’élément le plus rassurant visuellement en cas de crash.
Si vous roulez en trail, all‑mountain ou enduro, que vous êtes prêt à faire un rodage propre, à passer sur un levier un doigt, à monter des plaquettes séparées et des rotors Magura plus épais, vous aurez entre les mains des freins puissants, dosables et endurants, pour un budget qui laisse de la marge pour le reste du vélo. Si votre terrain, c’est la DH lourde et les runs à très haute vitesse, regardez du côté des MT7, Gustav Pro, ou des combinaisons hybrides. Pour tout le reste, les MT5 sont, à mes yeux, l’un des meilleurs deals du moment : la puissance d’en haut, le prix d’en bas, et ce sentiment agréable de contrôler sa vitesse, pas de la subir.
Credits photos : Magura Cycles
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