Depuis des années, le marché de la suspension VTT nous pousse vers l’ultra-complexité. Trois, quatre, parfois cinq réglages de compression, des systèmes hydrauliques brevetés… C’est parfois décourageant. J’ai donc abordé le test de ma Pike Select charger RC avec un mélange de curiosité et, je l’avoue, un certain scepticisme. La version « RC » est l’enfant du milieu, moins clinquante que sa grande sœur, la Pike Ultimate, mais proposée à un tarif bien plus raisonnable de 299 € ( acheter en promotion sur Probikeshop ). La cartouche Charger RC, ne propose qu’un réglage de compression basse vitesse (LSC) et un rebond (Rebound) externe. C’est tout. Pas de levier de plateforme magique, juste deux molettes pour gouverner. J’ai voulu savoir si, en 2025, cette simplicité forcée était une tare ou, au contraire, une force inattendue.

Ce test prend une dimension particulière, car la Pike a été montée sur mon fidèle Sobre Off. Cette configuration pose un défi supplémentaire : la fourche doit compenser l’absence de suspension arrière. Le test a duré une année complète, me permettant d’évaluer la fiabilité et la constance des performances dans des environnements variés, allant des singletracks humides et techniques de Bretagne aux longues descentes cassantes et alpines des Pyrénées, autour de Loudenvielle.

L’objectif de ce test n’est pas de comparer la Pike RC à des modèles haut de gamme. Non. Il est d’évaluer sa performance pure sur le terrain qu’elle revendique. Est-ce qu’une fourche plus « simple » peut offrir l’expérience de pilotage totale que j’attends, sans me laisser sur ma faim dans les sections techniques les plus exigeantes ? La réponse n’était pas évidente au départ, mais les mois passés à rouler avec elle ont fini par clarifier les choses. Cette fourche, c’est une leçon. Une leçon d’humilité pour moi qui pensais que plus de réglages équivalait forcément à plus de performance.

Premières Impressions et Mise en Place

Le Déballage et la Ligne du Châssis

Au déballage, elle se montre sobre. La finition n’est pas ostentatoire, mais la rigidité des plongeurs de 35 mm et la solidité des fourreaux respirent la confiance. Elle est visuellement trapue, dans le bon sens du terme. Côté poids, elle se situe exactement là où on l’attend, autour des 1800 grammes selon le pivot coupé, ce qui est tout à fait acceptable pour une fourche destinée au Trail et l’All-Mountain.

Le montage a été d’une simplicité enfantine. Un pivot coupé, une étoile insérée, un axe Maxle Stealth serré, et c’est parti. La Pike est un investissement dans la capacité du vélo à dévaler les pentes. Là où un semi-rigide plonge énormément au freinage, cette fourche devait offrir le support nécessaire pour maintenir un angle de chasse aussi constant que possible sous la contrainte, pour éviter que le vélo ne se « tasse » exagérément.

Pression et Tokens

La première étape, la pression, est toujours cruciale. J’ai commencé avec les recommandations de la charte RockShox pour mes 85 kg équipés. Soit environ 85 PSI. J’ai réglé le Sag (enfoncement statique) à 20 % .

Mon premier test en Bretagne a été mitigé. La fourche était trop molle. Dès que je montais sur le vélo, elle s’enfonçait trop dans la course, me donnant une sensation de « plongeon » désagréable, surtout lors du freinage en pente. Le vélo pointait du nez, l’angle de chasse se fermait, et je perdais l’agilité en virage serré. J’ai immédiatement compris que la courbe de progression n’était pas adaptée à mon style de pilotage et à mon poids, surtout sans suspension arrière pour amortir les chocs.

Solution : L’ajout de Tokens.

C’est là que la magie de l’air intervient. J’ai ouvert la fourche – une opération de 5 minutes montre en main – et j’ai ajouté un second token (j’étais déjà à un d’origine). J’ai remis la même pression (85 PSI). Nouveau test. Bien mieux ! Le soutien en milieu de course était là, mais le débattement final était toujours facile à atteindre.

J’ai ensuite pris la décision radicale : ajouter un troisième token. J’ai augmenté la pression à 90 PSI pour compenser l’augmentation de rigidité en fin de course. Bingo ! Avec trois tokens et 90 PSI, j’ai trouvé le juste milieu : un Sag de 18 % pour un meilleur support en début de course, une sensibilité aux petits chocs conservée, et surtout, une réserve hydraulique et pneumatique en fin de course qui me permettait de rouler fort sur les sentiers cassants sans craindre le « talonnage » violent.

Les Réglages Simples du Charger RC :

Une fois le ressort calé, il ne restait que les deux réglages de la cartouche Charger :

1. Le Rebond (Rebound) : J’ai fini par rouler à 8 clics de l’ouverture (la position la plus lente) pour empêcher la fourche de remonter trop vite après un gros choc, surtout en sortie de compression ou dans les successions de racines rapides, typiques des sous-bois bretons.
2. La Compression Basse Vitesse (LSC) : J’ai fini par rouler à 1/3 de la position la plus fermée. Ce réglage a été vital sur le Off. Il a permis d’améliorer le soutien au pédalage, mais surtout, d’éliminer le plongeon excessif au freinage.

L’Expérience de Pilotage : Le Cœur du Test

La Montée et le Rôle de la LSC (Compression Basse Vitesse) :

Soyons honnêtes, la Pike RC n’est pas une fourche de cross-country. Son poids et son débattement ne sont pas faits pour établir des records de montée. Cependant, dans la catégorie Trail et All-Mountain, elle se défend très bien, et cela, grâce à son seul réglage de compression.

Sur les longues ascensions techniques, là où il faut appuyer sur le cintre pour maintenir l’adhérence et passer les obstacles (racines, rochers), j’ai noté que la fourche restait étonnamment stable. Mes 1/3 de LSC fermaient juste assez l’hydraulique pour contrer les mouvements de mon corps sans pour autant la bloquer totalement.

Mon Protocole de Test en Montée : J’ai utilisé une montée spécifique, très raide et technique, près de Guémené en Bretagne. C’est un sentier où l’on doit passer en danseuse pour franchir des marches de roche. Avec la Pike, le mouvement de suspension était contenu. La sensation est celle d’une fourche qui absorbe uniquement ce qui vient du sol, et non les mouvements du cycliste. Le résultat est une efficacité de pédalage préservée sans le besoin d’un levier de blocage total. J’ai testé en ouvrant complètement la LSC : là, le pompage revient, la fatigue se fait sentir plus rapidement, et le contrôle en montée technique est moins précis car le vélo manque de hauteur. La conclusion est simple : la LSC est votre meilleur ami pour les ascensions longues ou techniques.

Les Petits Chocs et la Sensibilité Initiale

La sensibilité aux petits chocs, c’est le critère qui sépare une bonne fourche d’une excellente fourche. C’est ce qui définit le confort et, surtout, l’adhérence dans les sections rapides de rochers ou de racines. J’étais très exigeant sur ce point.

La technologie DebonAir est clairement perceptible dès les premiers mètres. La fourche est veloutée en début de course. Sur les chemins forestiers classiques parsemés de gravier ou de petites aspérités, la roue avant reste collée au sol. Elle gomme le terrain de manière impressionnante, réduisant la fatigue des mains et des avant-bras.

J’ai spécifiquement roulé sur un sentier connu pour son « tapis de racines » serrées et humides en Bretagne. C’est un enfer où l’on perd facilement l’avant. Elle s’est montrée très performante. Elle a maintenu la traction de la roue avant. J’attribue cela au bon équilibre entre le ressort pneumatique DebonAir et la finesse d’action de la cartouche Charger RC.

Le Soutien en Milieu de Course et la Précision du Pilote

C’est le point noir de beaucoup de fourches : elles sont sensibles au début, puis s’affaissent (elles « mangent » le débattement) en milieu de course, juste avant l’impact. Ce manque de soutien est critique en All-Mountain, car il provoque un plongeon du vélo dans les compressions et les virages appuyés. Sur un endurigide, ce plongeon fait chuter l’arrière de manière disproportionnée et rend le pilotage très instable.

Grâce à mon réglage à 3 tokens et une pression légèrement supérieure à la normale, le soutien en milieu de course est remarquable.

Lors d’une descente rapide et technique vers Loudenvielle, il y avait un virage à plat, très rapide, où je devais pousser fort sur l’avant du vélo pour « charger » l’adhérence du pneu. Avec ma configuration initiale (sans tokens), la fourche plongeait, changeant l’angle de chasse et me faisant sortir large. Avec les tokens, la Pike s’est raffermie exactement là où il fallait. Elle a agi comme une plateforme solide me permettant d’appuyer sur la roue avant sans la faire couler. Ce soutien est fondamental pour le pilotage agressif et précis, surtout quand l’arrière ne vous aide pas. La simplicité du Charger RC n’a pas empêché d’atteindre ce niveau de performance, pourvu que l’on passe du temps à optimiser avec les tokens.

Les Gros Impacts et le « Talonnage »

Dans les Bike Parks, c’est l’épreuve de vérité pour une fourche. La capacité à encaisser sans douleur.

J’ai testé quelques sauts et compressions rapides dans le bike park de Peyragudes, non loin de mon point de test pyrénéen. Mon réglage de fin de course, musclé par les trois tokens, a fait son travail. La progression de la courbe est devenue si prononcée qu’atteindre le talonnage complet était rare, même sur des réceptions ratées.

Le Talonnage Contrôlé : La seule fois où elle a vraiment talonné, c’était sur un drop d’environ 1,5 mètre dans une compression très sèche. Le « clac » final n’a pas été violent. Il était contrôlé et progressif, ce qui indique que l’hydraulique de fin de course, bien que simple, fonctionne correctement. C’est cette sensation de « tampon » en caoutchouc souple plutôt que de butée métallique dure qui donne confiance pour repousser ses limites.

Rigidité, Entretien, Limites et Verdict

La Rigidité du Châssis

La rigidité latérale est un point que l’on a tendance à négliger jusqu’à ce que l’on se retrouve en situation critique. La Pike utilise des plongeurs de 35 mm. C’est le standard « moderne » pour l’All-Mountain ou le Trail agressif.

Le Comportement sur mon OFF : La Pike est plus rigide que ses concurrents, ce qui était immédiatement perceptible. La direction était plus précise, le vélo gardait sa ligne, et les forces latérales étaient bien gérées. Cependant, elle est moins rigide que les « grosses » fourches (comme la Fox 36 ou la Lyrik). Pour mon pilotage, ce compromis est parfait : la Pike offre suffisamment de rigidité pour la précision sans être surdimensionnée. La rigidité des plongeurs en 35 mm est le point idéal pour l’équilibre entre poids et performance.

La cartouche Charger RC : La Philosophie de la Simplicité

Le cœur de cette fourche, c’est sa cartouche. La Charger RC. L’absence de réglage de compression haute vitesse (HSC) est ce qui la différencie de la version Ultimate.

• L’Impact du Manque de HSC : Sur le papier, l’absence de HSC est un défaut. La HSC est censée gérer les impacts les plus violents et les plus rapides (gros sauts, réceptions en vitesse). En réalité, j’ai constaté que le réglage par les tokens (ressort pneumatique) est si efficace que le manque de HSC n’est pas ressenti dans 90 % des situations.
• L’Avantage du RC : La simplicité force l’utilisateur à se concentrer sur les fondamentaux : la pression d’air et le rebond. Une fois ces deux éléments parfaitement réglés, la fourche fonctionne de manière intuitive. Il n’y a pas 15 réglages qui se contredisent. C’est clair, net, et ça permet de passer moins de temps à ajuster et plus de temps à rouler. Pour un pilote qui n’a pas l’expertise pour finement ajuster quatre réglages différents (LSC, HSC, Rebond, Fin de course), le Charger RC est une bénédiction.

Entretien et Fiabilité sur le Long Terme

Après douze mois de maltraitance sous des conditions très variées (neige fondue des Pyrénées, boue persistante de Bretagne), la fiabilité est au rendez-vous.

• Les Joints et la Friction : Les joints racleurs d’origine sont de bonne qualité (Même si, depuis quelques semaines, je suis passé aux joints basse friction SKF, ce qui ajoute un sentiment de fluidité encore plus accentué.) et la fourche est restée incroyablement douce. J’ai constaté que la sensibilité aux petits chocs ne se dégradait pas avec le temps, signe d’une bonne étanchéité et d’une bonne lubrification interne.
• L’Entretien de Base : J’ai effectué un service de base (changement des joints racleurs et de l’huile des fourreaux) au bout de 50 heures. L’opération est remarquablement simple. L’accès à la cartouche et au ressort pneumatique se fait sans outils spécifiques complexes, ce qui est un atout majeur pour le mécanicien amateur ou averti.

Limites et Défauts Notés

Bien qu’elle soit une fourche remarquable pour son prix, l’utilisation sur une année entière a révélé quelques points faibles :

• Bruit Hydraulique (Squish) : Par très haute température (rouler en plein été à Loudenvielle), j’ai parfois entendu un léger bruit de succion hydraulique (le « squish ») dans la cartouche Charger RC lors des compressions rapides. C’est purement sonore et n’affecte pas la performance, mais cela peut être dérangeant pour les oreilles sensibles.
• Molette LSC Sensible : La molette de réglage de la LSC sur le haut du fourreau est un peu trop lâche. Avec des gants épais ou si l’on frotte le vélo contre des rochers, elle peut se dérégler accidentellement. Cela m’a obligé à vérifier mon réglage plus souvent que je ne l’aurais souhaité.
• Axe Maxle Stealth Lent : Le serrage de l’axe Maxle Stealth est sécurisant, mais le fait de devoir toujours avoir une clé Allen pour démonter la roue avant est un désavantage lors des crevaisons en course ou en groupe.

Verdict Final

Après un an de service intensif, cette Pike Select Charger RC s’est révélée être une fourche très performante et particulièrement pertinente pour monter sur un endurigide comme le Off.

Verdict Analytique : La Pike est un excellent compromis. Le manque de Compression Haute Vitesse (HSC) n’est pas un facteur limitant pour des pilotes d’All-Mountain ou de Trail et il est largement compensé par l’efficacité du ressort pneumatique DebonAir et la gestion des tokens. C’est une fourche fiable, remarquablement sensible sur les petits chocs et offrant un soutien en milieu de course qui la place en concurrence directe avec des modèles plus chers. Elle est facile à entretenir et a tenu le coup face aux conditions extrêmes de la Bretagne hivernale et des pierriers pyrénéens.

A 299 euros, cette Pike n’est pas une bonne affaire, c’est carrément un braquage ! Dans le monde de l’endurigide, où la fourche est notre unique meilleure amie (et notre seul amorti), s’équiper d’une bête pareille pour le prix d’une entrée de gamme, c’est la garantie d’un plaisir maximal sans exploser le budget.

Si le stock est encore là, foncez. Et si ce n’est plus le cas, gardez l’œil ouvert : la preuve est faite qu’on peut s’offrir une suspension premium sans vendre un rein.

C’est une excellente option, hautement recommandée pour l’Endurigide, à condition de prendre le temps d’affiner son ressort pneumatique avec les tokens. Elle n’est pas « imbattable » car des modèles plus chers offrent des raffinements hydrauliques supplémentaires (HSC), mais elle offre le meilleur rapport qualité/prix/performance dans sa catégorie.

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